Personne je m'appelle personne et personne ne m'appelle
je surveille le téléphone le téléphone me surveille
des fois quand ça sonne c'est un sondage ''êtes-vous la maîtresse de la maison'' cé pas d'vos criss d'affaires
des fois quand ça sonne c'est mon ami Jean Crouton le pharmacien qui m'annonce un beau spécial cette semaine sur la crême anti-rides sur l'antiflogestine la préparation H le viagra extra fort
tu passeras nous voir dit cet ami affable et généreux
mon nom est personne je suis un pepsicoola-hic anonyme
quand un policier m'interpelle me demande mon nom je réponds personne il visse son doigt sur sa tête comme cela en faisant des simagrés et il me laisse tranquille
pepsicoola-hic anonyme je ne fréquente pas les groupes haha ni les restaurants AAA ni les bars XXX quand je vas à la soupe populaire je renfonce ma tuque sur mes oreilles je regarde toujours mes pieds je ne parle à personne la bonne soeur ne veut pas qu'on fasse trop de bruit pour pas déranger l'bon dieu
j'habite la non-existence juste à coté du non-être j'ai un nom par défaut non personnalisé non informatisé pas de plaque d'immatriculation mon permis de conduire est un faux je suis un faux no-body
ma race est humaine ma crasse énergumène suis un pépé une tête chenue un barbon un grison une vieillerie un vieux croûton quoi
tiens le téléphone --cé pour le journal de Montréal --êtes-vous un scab ? si oui, veuillez mangez de la marde
dans les rues je me faufile entre les anonymats clandestins j'arpente les rues sombres déserte la nuit énigme sur deux pattes je crabe boutonné jusqu'au menton évitant le conventionnel sans attirer l'attention je fais très attention
je suis personne et personne ne m'appelle
une bouteille de bière vide dans un sac en papier pour la frime je compte les étoiles la nuit les moineaux sur les fils le jour
j'ai apprivoisé une p'tite souris je lui parle de temps en temps elle me comprend quand je lui donne du fromage
étendu sur un banc un policier me crie en petit nègre héye toi le vieux pas dormir sur banc publique sinon toi dormir prison compris le vieux ?
j'ai même pas répondu me suis levé avec un sourire en coin enfin il m'avait donné un nom je ne suis plus anonyme je ne suis plus personne
je suis le vieux c'est bon enfin d'être quelqu'un
désormais je crie des noms à ceux qui n'en n'ont pas ça leur donne de la personnalité vous devriez voir le bonheur dans leurs yeux ils sourient bêtes et heureux enfin
mais moi dans l'fond je sais malgré les apparences je sais qu'ils ont personne qu'ils sont personne les vieux
Hier je faisais les cents pas tournais en rond autour du château autour de la tourelle tournante
hier je tournais mes pas perdus parmi la horde des touristes acharnés perdus ou perchés sur la terrasse en chaines
hier ai grimpé la citadelle retourné le cap Diamant à l'envers à l'endroit dans ma tête
Hier ou est-ce demain mes pas tournent quelquepart ailleurs juste ici droit devant par dessus les nuages
Hier ou demain ? touriste perdus en cet imaginaire pays à inventer ma poussière dessine des nuages de mémoire pour y habiter un frisson de temps aux limites du regard
Hier ou avant-hier mes pas tournés mes pas graffitis gravent sur un mur de sable ''La vie vaut moins qu'un pet de lapin ! ''
hier ou le jour d'avant ou le jour tournant
au suivant !
Claude Antar avril 2010
Note: Expérimentation poétique, vidéo noir-blanc, photos,montage,textes, voix : Claude Antar
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au crépuscule le jour au loin recule les outardes lâchent leurs derniers cris la marée assoupie le fleuve s'est endormi
au crépuscule mes souvenirs au loin reculent mes rêves laissent tomber leurs derniers haillons mes pensées s'apaisent le fleuve de mon sang s'est endormi